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Le sommeil : une affaire d’État

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Le sommeil : une affaire d’État

sleeping-1159279_1920En matière de santé, le gouvernement fixe les priorités pour cinq ans en définissant ce qu’il appelle « La stratégie nationale de santé ». Celle-ci permet de définir une vision partagée par l’ensemble des acteurs liés à la santé et de piloter l’avancement des chantiers prioritaires. Elle donne donc le cap qui guidera la mise en place des politiques de santé et l’élaboration de mesures concrètes. C’est le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui est saisi pour réaliser ce travail. C’est une instance chargée d’apporter en quelque sorte une aide à la décision au ministre de la Santé en réalisant des rapports sur la santé en France et en formulant des recommandations. Le dernier en date vient d’être publié fin septembre. Dans son avant-propos, on peut y lire que ce Haut Conseil propose de développer massivement la prévention (mot cité 200 fois dans les 189 pages de cet épais document).

On ne peut que saluer cette initiative d’accorder une priorité à la prévention. Cependant, France Insomnie s’étonne que dans la liste des risques cités pouvant conduire à des maladies, le manque de sommeil y soit totalement absent. Ne dit-on pas que « le sommeil est la moitié de notre santé. »

Quand on sait que près de 7 millions de Français présentent une forme chronique sévère d’insomnie et que le manque de sommeil engendre de nombreuses maladies telles que : baisse de l’immunité, obésité, dépression, maladies cardiovasculaires et neuro-dégénératives, diabète de type 2… cela génère un coût pour la société estimé à 2 milliards d’euros (absentéisme, accidents, maladies…)

Notre société moderne malmène nos périodes de repos qui s’amenuisent au fil des décennies. Seule une sensibilisation passant par une prévention pour tous les âges peut faire diminuer de manière significative tous les désordres de santé plus ou moins graves liés au manque de sommeil.

Le sommeil tient donc une place prépondérante dans la santé publique telle que la définissent les pouvoirs publics.

Saluons l’initiative des professionnels de la santé : l’INSV[1], le Réseau Morphée[2] et la SFRMS[3] qui ont cosigné une Tribune parue dans le Monde le 8 octobre dernier.

Vous retrouverez, ci-dessous, le texte intégral de cette tribune.

[1] INSV : Institut National du Sommeil et de la Vigilance

[2] Réseau Morphée : réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil

[3] SFRMS : Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil

 

Tribune publiée dans Le Monde

8 octobre 2017

Le sommeil méconnu : 67 millions de dormeurs en danger

La Stratégie Nationale de Santé qui vient d’être publiée par le Ministère de la Santé
définit comme axe prioritaire une forte politique de prévention. Les principaux facteurs
de risque identifiés dans ce rapport sont le tabac, l’alcool, la sédentarité, le surpoids et
l’obésité. Il s’agit d’enjeux primordiaux, évidemment, mais nous regrettons que le mot
sommeil ne soit pas cité dans les 189 pages du rapport du Haut Conseil de la Santé
Publique. Cette situation est pour nous, spécialistes du sommeil, extrêmement
alarmante.
Le sommeil est vital pour la réparation physique et psychique, l’équilibre et la santé de
l’individu. Dormir insuffisamment, mais aussi avoir des rythmes irréguliers de sommeil,
est un facteur de risque conséquent en termes de Santé Publique affectant de
nombreuses maladies. Alors que le prix Nobel de Médecine vient d’être attribué à trois
chercheurs pour leurs travaux sur l’horloge biologique, on constate que notre société
néglige de plus en plus le sommeil, rythme fondamental de l’individu s’il en est.
Pourtant, depuis les années 1980, les effets néfastes de l’insuffisance de sommeil sont
bien identifiés, notamment les retentissements cardiovasculaires (hypertension
artérielle, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, …). Les récentes recherches ont
mis en évidence les liens entre manque de sommeil et troubles métaboliques. Quand on
ne dort pas suffisamment, les hormones qui interviennent dans la régulation du poids et
de l’appétit sont modifiées, en particulier la leptine et la ghréline ainsi que l’insuline. La
prise de poids est donc facilitée. Les risques de déclencher un diabète de type 2
augmentent. Comment envisager une prévention dans le domaine du surpoids et de
l’obésité sans un « plan sommeil » ?
La privation de sommeil a également des conséquences dans la régulation immunitaire :
baisse des lymphocytes et altération des autres systèmes de l’immuno-régulation.
L’organisme sera notamment plus sensible aux infections et aux cancers hormonodépendants
; ainsi, les cancers du sein et de la prostate seront plus fréquents chez les
personnes en privation de sommeil. Concernant les maladies neuro-dégénératives,
pendant les périodes de sommeil, certaines zones cérébrales sont le lieu d’un lavage
neuronal qui élimine les substances amyloïdes et les protéines tau impliquées dans les
maladies comme l’Alzheimer. Cette fonction de nettoyage se réalise exclusivement
pendant le sommeil. Enfin, on peut ajouter qu’un sommeil trop réduit, voire trop
fractionné, va plus facilement faire le lit des dépressions. Comment envisager une
prévention du cancer, des maladies neurodégénératives, de la dépression, sans
envisager un « plan sommeil » ?
Les études montrent que, depuis 30 ans, nous dormons une heure à une heure trente de
moins, et que cette tendance est accentuée chez les adolescents. D’une manière très
préoccupante, nous observons maintenant une diminution du temps de sommeil des
enfants avec des conséquences sur la scolarité, la santé mentale, l’obésité et une
augmentation des comportements d’hyperactivité. Le déficit de sommeil chez les jeunes
est également associé à un usage abusif d’alcool et de drogues. Comment exercer une
prévention dans le domaine du tabac et de l’alcool sans un « plan sommeil » ?
En 2006, un rapport sur le sommeil, à la demande du Ministre de la Santé, avait donné
une impulsion positive grâce à laquelle des projets « sommeil » ont pu être soutenus.

En 2017, nous avons le sentiment de revenir 10 ans en arrière. Il y a un vrai décalage entre,
d’un côté, les instances publiques qui ignorent le sommeil et, de l’autre, nos concitoyens,
avides d’information et en attente de solutions qu’ils ne savent pas où trouver.
Nous pourrions inverser cette tendance avec des actions qui devraient être relayées par
les pouvoirs publics. Quatre axes nous semblent importants :
– Mobiliser l’existant en travaillant avec les associations et les sociétés savantes
médicales pour des actions d’information et de formation du grand public et des
professionnels de santé.
– Prévenir les risques psycho-sociaux par une meilleure prévention des troubles du
sommeil. Protéger le sommeil des travailleurs de nuit et à horaires décalés en assurant
une éducation pour la santé. Mieux identifier et prévenir les risques d’accidents de la
route et du travail liés à la somnolence, comme cela a été recommandé par le Conseil
National de la Sécurité Routière en 2017.
– Mettre en place une éducation au sommeil dès la maternelle puis tout au long de la
scolarité en travaillant avec le Ministère de l’Éducation Nationale : enseigner aux enfants
le rôle du sommeil avec des notions d’hygiène du sommeil, incluant en particulier
l’influence bénéfique de l’activité physique le jour et celle, néfaste, des écrans utilisés le
soir ou la nuit.
– Inclure le mot « sommeil » comme champ possible d’action dans les projets ou plans
santé institutionnels, que ce soit pour la recherche, la prévention, les programmes
d’éducation à la santé, aux niveaux régional comme national : permettre aux chercheurs,
aux professionnels de santé, au milieu éducatif, de proposer des projets afin de faire
évoluer la connaissance du sommeil.
En Europe et aux Etats Unis, de nombreux spécialistes du sommeil ont aussi lancé des
messages d’alerte sur cette progression de la dette de sommeil, estimant que nous
vivons une « épidémie catastrophique de perte de sommeil ». Ne pas prendre conscience
aujourd’hui de cette situation risque de conduire les jeunes générations vers une
dégradation de leur état de santé alors que nous avons les moyens d’éviter cette
catastrophe annoncée.
Nous espérons que les pouvoirs publics tiendront compte de notre appel et intégreront
le sommeil dans leurs priorités de santé.
——
Sylvie Royant-Parola, Présidente du Réseau Morphée
Joëlle Adrien, Présidente de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance
Jean-Claude Meurice, Président de la Société Française de Recherche et de Médecine du
Sommeil
Damien Léger, Vice-Président de la Société Française de Recherche et de Médecine du
Sommeil

 

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